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Interview : Céline Laurens, déléguée générale de FiBois

Vue en contre plongée d'arbres dans une forêt

Nous avons posé quelques questions à Céline Laurens, déléguée générale de Francilbois (qui changera de nom en septembre 2020 et deviendra FiBois). C’est un acteur majeur de la fillière bois qui fédère depuis 16 ans le secteur bois en Ile-de-France.

Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a amené à travailler au sein de Francilbois ?

Après des études à Sciences-po Paris (master Stratégie territoriale et urbaine), je débute comme chargée de mission à Issy les Moulineaux en 2005, sur des opérations d’aménagements comme le Fort d’Issy. Deux ans plus tard, je commence mon aventure dans le Grand Paris au sein de la mission SDRIF de la Région Ile-de-France. J’accompagne alors des projets tels que le Grand pari(s) de l’agglomération parisienne qui donnera naissance à l’Aigp (Atelier International du Grand Paris). De 2012 à 2014, je deviens conseillère Métropole au cabinet de Bertrand Delanoë où je participe à la conception de la loi Maptam puis de la loi NOTRe. Puis de 2015 à 2019, ma vie professionnelle sera rythmée par les Jeux Olympiques et Paralympiques et leur impact sur les mutations du Grand Paris : de la rédaction du dossier de candidature « Paris 2024 » au sein de la mission JOP de la Ville de Paris à la transformation des territoires à travers les diverses stratégies (environnement, emploi, accessibilité et participation du public) pour la Solidéo, où j’ai été directrice de l’ambition et de l’héritage. 

Après avoir élaboré la stratégie environnementale de la Solideo et notamment du futur village des athlètes, j’ai basculé depuis septembre 2019 dans la mise en œuvre de cette stratégie auprès de la filière bois. En que Déléguée Générale de Francîlbois, l’interprofession forêt bois en Ile-de-France, je souhaite promouvoir l’utilisation du bois chez les Maîtres d’ouvrage et les aménageurs du Grand Paris pour accompagner la transition écologique vers la ville bas-carbone, et structurer pour les acteurs de filière bois pour y répondre. J’aime relever de nouveaux défis et celui de la filière foret-bois est de taille et répond à l’urgence environnementale qui s’impose à nous. Je suis heureuse de mettre ma « planche » à l’édifice.

Quel rôle joue Francilbois dans la filière bois et dans le domaine de l’écoconstruction ?

Francilbois, qui va changer de nom pour devenir FIBois Ile-de-France en septembre 2020, fédère depuis 2004 l’ensemble des professionnels de la forêt et du bois en Ile-de-France. L’association est membre du réseau France Bois Régions. Ce réseau réunit les 12 interprofessions régionales de France s’inscrivant par la même occasion dans le Programme National de la Forêt et du Bois. Le réseau s’inscrit aussi dans la Stratégie Nationale Bas Carbone. L’association est soutenue par l’État, la Région Ile-de-France et France Bois Forêt.

Elle reprèsente la totalité de la filière, du propriétaire forestier à l’aménageur et au produit bois final (construction, ameublement, aménagement), en passant par le bois énergie. Elle accompagne aussi, par des formations, de la prescription, et de la valorisation, le développement des professionnels et la sensibilisation du grand public (visite en forêts, articles de presse, ateliers…). Par ses actions, Francîlbois accompagne également les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leur plan climat et stratégie bas carbone, et contribue ainsi à l’évolution des modes de penser des décideurs vers l’écoconstruction.

Quelles difficultés rencontrez-vous, au jour le jour, dans l’exercice de votre mission ?

Certaines difficultés résultent du paradoxe de la filière forêt-bois : d’un côté, le grand public adhère de plus en plus à la solution bois pour la construction, étant un produit écologique, renouvelable, remplaçant le béton, et réduisant l’empreinte Carbone et auprès duquel il fait bon vivre. De l’autre côté, l’exploitation forestière, partie intégrante de la production de bois, est souvent associée à la déforestation et conduit à de nombreuses oppositions locales.

L’enjeu est de mieux communiquer sur la gestion forestière auprès du grand public, mais aussi des élus et des professionnels de l’aval de la filière, qui ont encore des préjugés sur le bois par exemple concernant sa résistance au feu, sa sensibilité aux diverses attaques parasitaires ou encore sa stabilité structurelle, dont la méfiance n’a pourtant aucun fondement réglementaire. On sent néanmoins que les acteurs de la construction sont prêts à changer de modèle en profondeur. La filière bois doit se structurer pour peser davantage sur les politiques publiques et les réglementations et communiquer plus largement sur des messages communs.

De quels succès pouvez-vous vous réjouir ?

Depuis septembre 2019, l’équipe de Francîlbois a été entièrement renouvelée, tout comme son plan d’actions. Parmi les actions phares mise en œuvre, Francîlbois peut se réjouir de la réussite de ses premiers Etats Généraux de la Forêt et du Bois, en janvier 2020, à la cité Fertile de Pantin. Voulu comme le rendez-vous annuel de la filière francilienne, cet événement a été l’occasion de réunir les acteurs et professionnels de la filière bois autour de la question centrale « La forêt et le bois vont-ils sauver la planète ? », mais également d’ouvrir ces problématiques à la société civile : associations environnementales, étudiants, écoles d’architecture, philosophes, scientifiques… Au total, plus de 200 personnes ont répondu présents.

L’équipe est également en train de concrétiser le Pacte Bois Biosourcés. Outil de prescription bois, le pacte repose sur un engagement volontaire des maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, bureaux d’étude et architectes à construire autrement, en intégrant du bois et du biosourcé dans leurs projets immobiliers. En encourageant à l’utilisation du bois, ce pacte contribue au développement de la filière bois française, au renouvellement de la forêt et vise à apporter une réponse efficace et satisfaisante aux enjeux de la Stratégie Nationale Bas Carbone en développant activement le recours aux matériaux renouvelables bois et biosourcés dans la construction. Il permet aussi de former et sensibiliser les acteurs de l’aval de la filière aux enjeux associés à la filière. Le 5 novembre prochain, une vingtaine d’aménageurs, maitres d’ouvrages (bailleurs et promoteurs) vont signer ce pacte qui les engagent à construire en 10 et 40% de leur surface en bois.

Enfin, la sensibilisation du grand public aux enjeux de la forêt en Ile-de-France fait partie des missions de Francîlbois. Ainsi, nous avons décidé de lancer les 2 et 3 octobre 2020 la première édition du “Festival des forêts en Île-de-France”, avec de nombreux partenaires.  Ce festival aura lieu en deux temps : Un événement de lancement le 2 octobre en soirée sous forme d’un débat théâtralisé – le « Tribunal pour les Générations Futures” & des animations multisites le 3 octobre en journée (visites guidées en forêts menées par des gestionnaires forestiers, visites de scierie ou de charpentiers, visites théâtralisée…) dans une quinzaine de lieux en forêts publiques et privées, où chaque partenaire présentera une multiplicité d’activités scientifiques ou artistiques en lien avec la multifonctionnalité des forêts franciliennes. Nous espérons que ce sera une réussite et qu’il pourra se reproduire chaque année.

Quels sont les difficultés spécifiques à la région d’Ile-de-France ?

Les difficultés spécifiques à l’Île-de-France sont issues de son caractère très urbain. En effet, la pression sociétale forte vis-à-vis de la gestion forestière peut amener, dans certains territoires, à des difficultés pour entretenir et exploiter le bois ainsi que des coûts supplémentaires. On retrouve cette problématique dans la transformation du bois : l’opposition locale, mais également le coût élevé du foncier, ont conduit les activités de transformation à quasi-disparaître (moins de 1 % des bois issus des forêts franciliennes est transformé en Île-de-France). Cela conduit à une rupture de la chaîne de valeur entre l’amont et l’aval de la filière.

Enfin, étant la région capitale, l’Île-de-France constitue un bassin de consommation très important. La production régionale, en matière d’énergie et de matériaux, ne sont en effet pas en capacité de remplir les besoins franciliens. Ces enjeux sont particulièrement prégnants dans le secteur de la construction qui nécessite d’importants volumes de bois, et notamment de résineux alors que les forêts franciliennes sont composées à 94 % de feuillus. La viabilité et le développement de la filière repose ainsi sur une coordination des acteurs au niveau suprarégional.

Ces différents éléments peuvent représenter des freins au développement de la filière forêt bois en Île-de-France, mais ne constituent pas des barrières infranchissables. Ils nécessitent simplement des actions ciblées, notamment l’augmentation des investissements pour des industries de transformation du bois en Ile-de-France et une coordination au niveau interrégional, pour y remédier.

Aujourd’hui, le bois constitue en Ile-de-France environ 5% de la part totale de construction totale de logements, ce qui est inférieur à la moyenne nationale et moitié moins qu’en Alsace où il existe une culture du bois. Francilbois tente d’entrainer l’ensemble des acteurs dans un changement systémique de culture car construire en bois n’est pas comme construire en béton. Cela nécessite donc de transformer le « logiciel » de l’ensemble de la chaine des acteurs.

Quelles sont les étapes pour devenir adhérent ?

Pour adhérer, il suffit de nous contacter, via l’adresse mail contact@francilbois.fr. Nous vous enverrons ensuite le forfait d’adhésion, adapté à la structure concernée. Vous pouvez aussi aller sur le site internet de Francilbois qui va faire peau neuve en septembre en devenant www.fiboisidf.fr.

Pensez-vous que le bois est un matériau d’avenir ?

C’est une évidence pour moi. Le bois offre de nombreux atouts dans le secteur de la construction.

Le bois, et plus largement les matériaux biosourcés, font partie des solutions pour répondre aux enjeux du développement durable. Naturels, renouvelables, et puits de carbone, ces solutions permettent de construire des bâtiments, des quartiers et des villes bas carbone, plus respectueux de l’environnement comme des humains. Ce matériau représente une opportunité incontournable pour répondre aux objectifs de la neutralité carbone (stockage carbone en forêt et dans le matériau, substitution à des matériaux plus émetteurs de carbone) mais aussi de rénovation énergétique des bâtiments (forte efficacité thermique). La réglementation environnementale RE 2020, qui succèdera à la réglementation thermique RT 2012, doit encourager le recours à ce matériau, en tenant compte du bilan carbone de la construction.

L’attrait du bois est encore plus prégnant en région parisienne où il s’agit de construire 70 000 logements par an sur quinze ans, ainsi que de multiples équipements nouveaux dans un environnement urbain déjà très dense. Les solutions préfabriquées en bois (filière sèche) deviennent alors atout décisif. : les deux tiers du processus se déroulent en effet à l’usine, et permettent aussi de limiter la consommation d’eau et les désagréments causés au voisinage et de réduire les délais de chantier.

Source d’innovation et filière ancrée dans le circuit court, le recours au bois français permet à la fois d’optimiser une ressource disponible et abondante sur le territoire, dans une logique d’interdépendance entre les différents maillons de la chaine, mais aussi de contribuer au renouvellement des forêts françaises. Cette optimisation induit la redynamisation et la relocalisation d’activités à haute valeur ajoutée (transformation) et va de pair avec la croissance d’emplois non délocalisables… et une spirale d’économie locale vertueuse.

Un grand merci à Céline Laurens qui a pris le temps de répondre à nos questions !

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